Crises et capitalisme. Que disent les théories? 6
Dans les précédents articles, nous avons pu étudier des théories qui insistaient chacune sur telle ou telle cause des crises capitalistes, de façon relativement universelle. Pourtant, même si le capitalisme reste le capitalisme, il est indéniable que celui-ci a changé de forme entre l'époque où les Classiques et Marx écrivaient et aujourd'hui. Et en changeant de forme, le fonctionnement et les causes de fragilité du capitalisme ont évolué. Comme d'ailleurs ses régulations. Et plus important encore, contrairement à ce que Marx pensait par exemple, les crises récurrentes du capitalisme n'ont pas conduit à sa disparition, mais au contraire à sa transformation, son évolution. Il apparaît assez clair que la crise que nous connaissons depuis 2007 n'est pas identique à celle que l'on a connu en 1974, ni même exactement la répétition de la crise de 29.
C'est en partant de ces constats et de la nécessité de comprendre la crise des années 70, qu'est née la Théorie de la Régulation. Celle-ci était divisée au départ en gros en trois écoles : la théorie de la régulation de Paul Boccara ; celle dite de Grenoble (Destanne de Bernis), et la Théorie de la Régulation parisienne, initiée au départ par Michel Aglietta, puis Robert Boyer, Alain Lipietz etc... C'est cette dernière qui a connu le plus grand succès et développement et dont je vais parler. La TR va être une tentative de synthèse entre le marxisme, le postkeynésianisme et l'institutionnalisme. L'institutionnalisme, puisque je viens de l'évoquer, est une approche issue des travaux de Thorstein Veblen et de John Roger Commons, qui se propose d'analyser l'économie à partir de ses institutions. Les institutions, ce sont les règles du jeu social, qu'il s'agisse des coutumes, des croyances, du droit, de l'Etat... Les institutions encadrent et orientent le comportement économique des agents en permettant de règler les conflits, assurant la reproduction de la société.
Les régulationnistes reprennent très largement la problématique institutionnaliste, en l'articulant aux problèmes des crises et de leur régulation. En gros, les problématiques centrales de la Théorie de la Régulation pourrait être : "comment un système décentralisé et traversé d'autant de contradictions et conflits que le capitalisme parvient-il à les dépasser? comment expliquer que des modèles économiques un temps considérés comme 'exemplaires' finissent par entrer en crises?"
L'originalité de la TR est d'essayer de montrer que les crises sont endogènes à la période de croissance qui la précède : "toute crise est une crise des structures". Les régulationnistes vont alors proposer des concepts pour comprendre les crises et les transformations du capitalisme.
Les régulationnistes, suivant Marx, distinguent un premier niveau d'abstraction (le plus élevé) qui est le mode de production, qui représente un mode d'organisation de la société qui régit les relations entre les hommes, la nature et la production. Un mode de production est fondé sur des rapports sociaux fondamentaux (ou rapports de production) et un certain état des forces productives. Le capitalisme est un mode de production, qui se distingue par 3 rapports fondamentaux +1 : le rapport monétaire, le rapport marchand, le rapport salarial et l'Etat. Le rapport monétaire désigne tout simplement l'existence de la monnaie comme médiation centrale et valeur abstraite qui fonde le règlement des dettes & créances entre agents. Le rapport marchand désigne tout simplement l'organisation décentralisée des relations individuelles par la propriété privée et les prix. Le rapport salarial désigne la séparation entre producteurs et moyens de production, fondée sur la possibilité d'acheter de la force de travail contre paiement monétaire.
Mais ces rapports fondamentaux prennent une forme codifiée variable au cours de l'Histoire du capitalisme. Cette codification des rapports sociaux fondamentaux est ce que les régulationnistes appellent les formes institutionnelles :
- la forme de la contrainte monétaire ou le régime monétaire :
- les formes de la concurrence : elles régissent les relations de concurrence et coopération entre les centres d'accumulation fractionnés (en français : les entreprises), les formes de la concurrence règlent la manière dont les prix sont fixés, les règles qui encadrent les marchés (droit de la concurrence, règlementations sanitaires sur les produtis, degré de concentration-centralisation des activités...) ;
- la forme du rapport salarial : ce sont les règles qui organisent le travail, la mobilisation de la force de travail, sa rémunération et les modes de consommation du salariat ;
- la forme de l'Etat : on désigne ici les modes d'intervention de l'Etat et l'ensemble des compromis institutionnalisés entre les différentes classes sociales ;
- le régime international : il désigne les modalités d'insertion internationale (financière, monétaire et commerciale) des économies nationales.
Les deux autres concepts importants sont ceux de régime d'accumulation (ou de croissance) et de mode de régulation. Le régime d'accumulation désigne l'ensemble des régularités assurant une progression générale de l'accumulation du capital. Un régime d'accumulation est marqué par des sources de gains de productivité, le partage de la valeur ajoutée, l'organisation de la production et du rapport salarial et la composition de la demande sociale. Un régime d'accumulation peut être extensif, s'il est marqué par l'extension du travail et des espaces d'accumulation, ou intensif
s'il est caractérisé par l'intensification du travail et la recherche de gains de productivité. Il pourra aussi être qualifié de financier (ou financiarisé), s'il porte essentiellement sur la recherche de la valorisation des actifs financiers. En somme, le régime d'accumulation désigne les principales sources de croissance et la manière relativement stabilisée dont le circuit macroéconomique se boucle sur longue période : quelle est la source des gains de productivité? La croissance est-elle tirée par la consommation ou l'investissement? La répartition du revenu permet-elle une augmentation équilibrée de la demande? etc...
Le mode de régulation quant à lui désigne l'ensemble des procédures et comportements, individuels ou collectifs, qui permettent de reproduire les rapports sociaux fondamentaux à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées, soutenir et piloter le régime d’accumulation en vigueur et d'assurer la compatibilité d’un ensemble de décisions décentralisées. En somme, un mode de régulation est la conjonction heureuse des formes institutionnelles qui permet une croissance relativement équilibrée sur longue période.
A partir de ses concepts, on peut alors étudier les crises et leur forme. Pour comprendre les crises, il faut comprendre le fonctionnement du système (mode de régulation et régime d'accumulation) qui l'a précédé, ce qui suppose d'étudier les formes institutionnelles. Les régulationnistes distinguent différents "niveaux" de crises, en gros les "petites" et les grandes :
- les crises exogènes
- les crises cycliques, qui ne sont que des déséquilibres temporaires qui ne remettent pas en cause le mode de régulation ;
- les crises de mode de régulation : elles se déclenchent que le mode de régulation ne parvient plus à canaliser les déséquilibres de l'accumulation (suraccumulation/sous-consommation, instabilité du taux d'investissement, inflation/déflation, bulle spéculative etc...), elles se traduisent par une transformation du mode de régulation, autrement dit une modification de certaines formes institutionnelles (ex : nouvelles règlementation de la finance, du rapport salarial, des formes de la concurrence etc...);
- les crises de régime d'accumulation : c'est lorsque les sources de l'accumulation et de la productivité qui avaient tiré jusqu'alors la croissance s'épuisent ;
- les crises de mode de production : il s'agit de ce que les marxistes désignent par la "crise finale" d'un mode de production, comme le passage du féodalisme au capitalisme ou l'effondrement de l'union soviétique.
Les grandes crises qui ont scandé l'histoire du capitalisme (crise de 29, crise des années 70, crise actuelle) sont des crises soit du mode de régulation soit du régime d'accumulation (ou les deux, ce qu'on appelle une crise de mode de développement). Ce qu'il faut comprendre, c'est que les modes de régulation sont des trouvailles un peu hasardeuses de l'Histoire, car les formes institutionnelles émergent d'abord du conflit entre classes sociales et des compromis qui en résultent, et que rien ne permet à l'avance pour les acteurs de savoir si l'architecture institutionnelle qui sera inventée sera cohérente et efficace. Or l'issue des conflits est inconnue a priori, comme d'ailleurs les possibilités d'invention de compromis et de règles. De fait, la sortie de crise n'est jamais certaine. A contrario, un régime d'accumulation dégénère toujours en crise à un moment ou à un autre, dans la mesure où l'accumulation finit toujours par déborder les modes de régulation "inconsciemment" et collectivement inventés pour le contenir. De plus, le succès même d'un processus d'accumulation va avoir tendance à faire évoluer progressivement les comportements des agents, modifiant peu à peu la viabilité du régime d'accumulation et du mode de régulation. En somme, la séquence historique est la suivante :
Grande crise - - - - > conflits sociaux - - - - > compromis (?)- - - > évolution des formes institutionnelles - - -- > mode de régulation - - -> régime d'accumulation stabilisé (mode de développement) - - - > modification progressive des comportements - - - -> déstabilisation du mode de régulation et/ou du régime d'accumulation - - -> au delà d'un certain seuil grande crise...
Précisons qu'une crise économique ne dégénère pas directement en crise politique et réciproquement. La découverte d'un compromis ne se traduit d'ailleurs pas "mécaniquement", bien au contraire, par une architecture institutionnelle cohérente. Notons ensuite que la démocratie, en permettant la médiation des conflits et en "forçant" le capitalisme a changé, est aussi peut être ce qui lui permet de se reproduire.
Comment alors sont interprétées les grandes crises du capitalisme par la TR?
Commençons par le capitalisme du XIXème et de ses crises. Le capitalisme du XIXème siècle était marqué par un régime d'accumulation principalement extensif, puisqu'à l'époque, la force de travail n'était encore loin d'être totalement salariée, de nouveaux secteurs étaient investis par le capital et la recherche de plus-value passait pour l'essentiel par la recherche de nouveaux espaces d'accumulations. Evidemment, les révolutions industrielles avaient permis des augmentations de la productivité, mais celles-ci étaient limitées par la concentration du capital qui était limitée par le maintien d'une propriété essentiellement personnelle du capital (la généralisation des sociétés anonymes par actions ne se fait qu'à la fin du XIXème). Il s'agit donc d'un capitalisme de petites unités, et le syndicalisme comme d'ailleurs la concentration du capital sont encore faibles au milieu du XIXème. De ce fait, le mode de régulation jusqu'au milieu du XIX est extrêmement concurrentiel : les déséquilibres se traduisent par des baisses des salaires et des prix, les faillites des petites entreprises et leur concentration progressive. Ce sont donc les crises que décrivaient bien Marx, marquées par une surproduction, puis une déflation et une dépression longue.
Progressivement, le capital s'est concentré (apparition des sociétés par actions, développement des banques et des Bourses) amenant les entreprises à monopoliser de plus en plus les marchés (c'est l'époque des "barons voleurs", à savoir Rockefeller, Canergie, qui contrôlaient des pans entiers de l'économie, des grands cartels qui s'entendent sur des prix). Ainsi, les formes de la concurrence apparaissent plus monopolistiques (les Sherman Act et Clayton Act auront peu d'effets sur ces processus) De même, à la fin du XIXème, le syndicalisme devient plus organisé voire institutionnalisé. On passe à une régulation plus "monopoliste", fondée sur la négociation collective, l'entente entre grandes entreprises. De plus, à partir du XXème siècle et de l'après guerre, le taylorisme et le travail à la chaîne "à la Ford" se généralisent. Ford est par ailleurs obligé de proposer des salaires élevés pour éviter le turn over important lié à l'intensification du travail et pour trouver de nouveaux débouchés : ce sont les débuts du fordisme, qui caractérisera un régime d'accumulation intensif avec des gains de productivité élevés, et des salaires qui croissent rapidement assurant des débouchés importants à la consommation. Mais la régulation monopoliste l'entre-deux-guerres n'était pas encore généralisée. Au contraire, les politiques de déflation (des prix et salaires) sont encore courantes, malgré les luttes sociales. De fait, la production de masse du modèle Ford se développe, mais la consommation de masse des salariés est encore limitée, bien que stimulée artificiellement par le crédit...Il en résulte la crise de 1929, qui est une crise due selon les régulationnistes au caractère non encore stabilisé d'un mode de régulation monopoliste. De plus, le contexte international est celui d'un système financier (dit Gold Exchange Standard) ayant engendré de nombreux déséquilibres monétaires. La réaction à la crise des autorités est totalement à rebours d'une régulation monopoliste : au lieu de baisser les taux d'intérêt, la Fed les augmente. Même dans le fameux New Deal où la politique des grands travaux est appliquée dont on prétend à tort qu'elle fut inspirée par Keynes, le "dogme du Trésor" de l'équilibre budgétaire comme ce dernier l'appelait, est appliqué. Finalement, les seules économies à sortir la tête de l'eau est celle de l'Allemagne, où le nazisme amène une intervention massive de l'Etat et une régulation résolument monopoliste.
Après la guerre 39-45, véritable compromis fordiste se mit en place. En effet, le rapport salarial fordiste se généralisa : le travail à la chaîne, la séparation des fonctions d'éxécution et managériale s'approfondit la négociation collective des salaires s'était généralisée amenant une augmentation des salaires égale à celle de la productivité, permettant ainsi que la production de masse trouve en face d'elle une consommation de masse. Le compromis fordiste était un compromis qui coalisait les salariés avec les cadres-managers, fondé sur l'accès généralisé à la consommation via la hausse des salaires en échange de l'acceptation de l'organisation du travail fondée sur la séparation stricte entre fonction d'encadrement et d'exécution, la division des tâches et de "l'intelligence du travail". Ce compromis était viable aussi bien pour les salariés, que pour les entreprises, qui via la production-consommation de masse et l'accumulation intensive, permettait l'extraction d'économies d'échelle et de pofits. L'Etat avait commencé à intervenir de façon massive dans l'économie, que ce soit en matière sociale (Etat Providence) en participant à la socialisation des revenus (soutenant ainsi la propension à consommer) ou via la politique conjoncturelle ou les politiques industrielles, soutenant encore plus la demande et institutionnalisant le compromis fordiste. De plus, le régime monétaire était marqué par un encadrement important du crédit, des politiques monétaires expansionnistes, qui assuraient le financement de l'investissement, et une finance très fortement encadrée (les marchés boursiers ne servaient à rien ou presque et les actionnaires n'avaient qu'un faible pouvoir). Enfin le régime international inventé à cette époque (Bretton Woods etc) était marqué par une relativement faible ouverture au commerce international et un système monétaire international qui garantissait une relative autonomie des politiques monétaires nationales et une faible mobilité internationale du capital. Et chose importante, la peur de l'URSS maintenait un compromis relativement favorable aux salariés par rapport aux actionnaires à l'échelle nationale. Le mode de régulation fordiste était fondé sur les mécanismes monopolistes, à savoir essentiellement l'inflation, l'indexation des salaires à la productivité et les interventions keynésiennes de l'Etat.
Cependant, la réussite du fordisme allait entraîner sa propre crise. En effet, tout d'abord la hausse continue des salaires avait amené une augmentation du taux d'équipement des ménages, incitant ces derniers à une demande plus tournée vers la variété. Ensuite, l'acceptation de l'organisation fordiste devenait de moins en moins acceptée par les salariés, qui voulaient une plus grande reconnaissance de leurs compétences et qualification, comme d'ailleurs des conditions du travail plus enrichissantes. Du côté des formes de la concurrence et du régime international, la recherche d'économies d'échelle poussait en permanence les entreprises à rechercher de nouveaux débouchés à l'étranger. Avec le traité de Rome, les cycles du GATT, l'ouverture internationale augmentait, rendant le système moins viable. Cela conduit progressivement la productivité à ralentir (à partir de 68), une hausse de la "composition organique du capital" et donc du taux de profit, chère à Marx. De plus, le système de Bretton-Woods, fondé sur la parité dollar-or connaissait des soubresauts et fut abandonné au début amenant un flottement généralisé des monnaies. Dans ses conditions, le mode de régulation inventé les années précédentes ne pouvait enrayer la crise et l'inflation, d'autant que les salariés parvinrent au cours des années 70 à obtenir des hausses de salaire supérieures aux gains de productivité. Le choc pétrolier ne fit qu'allumer la mèche d'une crise "stagflationniste" qui n'attendait qu'à se déclencher.
Le révolution néolibérale, puis la chute de l'URSS, vont complètement bouleverser le compromis fordiste : on passe d'un compromis salariés managers à un compromis actionnaires managers. La montée du chômage va favoriser la dérégulation du marché du travail, la montée des emplois précaires, la flexibilisation du travail, de nouveaux modes d'organisation du travail plus "responsabilisants', et surtout, le décrochage entre gains de productivité et hausse des salaires. L'objectif ici quasi délibéré est de rétablir des taux de profit élevés. Ce mouvement est accru par un mouvement de mondialsation et financiarisation. En effet, le régime international se fait hyper ouvert, via les processus d'intégrations régionales comme l'Union Européenne, amenant le développement des IDE et des firmes multinationales. La concurrence internationale et la recherche de compétitivité et d'attractivité des investissements font pression à la baisse des salaires et des prix. La financiarisation se traduit par le développement sans précédent des marchés d'actifs et de produits dérivés, la liberté quasi totale du capital de circuler, la globalisation financière, la diminution du financement bancaire au profit du financement sur les marchés, la titrisation, la centralisation de l'épargne auprès des investisseurs institutionnels de type fonds de pension et de placement. Ces investisseurs imposent alors la règle de la gouvernance d'entreprise et de la valeur pour l'actionnaire car ils détiennent l'essentiel de la capitalisation des entreprises. Ces dernières s'y soumettent volontier, puisque les managers sont rémunérés alors en stock options. Face à des exigences de rentabilité de l'ordre de 15% à comparer à un PIB qui croît à 3%, les entreprises augmentent les dividendes, rationalisent les investissements, délocalisent, fusionnent, "dégraissent", externalisent et au final font pression à la baisse sur les salaires. Les états voient leur dette croître au début des 80's sous les effets des changements de politique monétaire : les taux d'intérêt réels atteignent des niveaux très élevés à l'époque, permettant de casser l'inflation, mais gonflant la dette des états (les premières crises de la dette dans les pays du Sud éclatent, et c'est le virage du consensus de Washington). Ces derniers, sous la contrainte des investisseurs internationaux, renoncent peu à peu aux politiques keynésiennes (sauf les USA) au profit des politiques de libéralisation des marchés et la recherche d'attractivité des capitaux les lancent dans une concurrence fiscale régressive. Les banques centrales quant à elles n'ont plus comme objectif que la stabilité des prix et l'évitement des krachs boursiers. Ce nouveau régime, appelé financiarisé ou patrimonial par les régulationnistes, est marqué par une grande instabilité. En effet, la croissance dépend de la hausse du prix des actifs et plus des salaires, puisque ces derniers stagnent et que leur part dans la valeur ajoutée diminue : les bulles spéculatives et les dividendees versés alimentent la consommation des riches (effets de richesse), tandis que les salariés américains sont poussés à s'endetter pour consommer à crédit et que l'investissement est rationné. Le déficit commercial se creuse durablement, mais cela est possible temporairement grâce au statut impérial du dollar. La stabilité du régime dépend crucialement du non éclatement des bulles et du crédit, donc suppose que la politique monétaire fournira en permanence des crédits supplémentaires en cas de krach. Il en résulte un gonflement des dettes privées (ménages) et une fragilisation financière à la Minsky : l'innovation financière alimente la spéculation sur des titres de plus en plus risqués, amenant une hausse de l'endettement, d'autant plus facilement que la banque centrale refinance à taux d'intérêt faible les banques privées. Lorsque les prix de l'immobilier ont commencé à s'effondrer, les premiers ménages firent faillite, amenant un gel du crédit et de la consommation des ménages, puis une chute du prix de tous les actifs, qui précipita la récession. Celle-ci fut limitée par des plans de relance d'une ampleur inégalée, et des injections de liquidités considérables pour sauver le système financier et les banques... ce qui alimente encore la spéculation. La récession et les plans de relance augmentent encore l'endettement des états qui se retrouvent de plus en plus asphyxiés...Plus que jamais la crise est grave, et elle amènera des réformes profondes, mais combien de temps cela prendra-t-il et combien de désordres auront été généré? La réponse vraisemblable est beaucoup de temps et de désordres...