Dette publique, plans de rigueur et économistes atterrés (3)

Publié le par Matthieu Montalban

 

3. Comment sortir de la crise des dettes publiques et les plans de rigueur sont-ils la solution?

 

Les plans de rigeur ont pour but de diminuer les dépenses publiques (et hausser quelques impôts) pour réduire la dette publique. Ces plans se justifient dans le cadre néolibéral où comme on l'a vu, toute dette publique est un problème.

 

Certes, mais le cadre néoclassique n'est valable qu'au plein emploi. Or, la crise a augmenté drastiquement le chômage dit keynésien ou conjoncturel, consécutif à la baisse de la demande globale. Qui plus est, le système bancaire était au bord de l'effondrement général à la suite de l'accumulation des dettes privées celles-ci pourries. Les Etats ont donc fait le choix de faire des plans de relance et de sauver le système bancaire en acceptant un creusement (abyssal) des déficits publics et une hausse des dépenses publiques. Le premier effet aura été de sauver le système bancaire de l'effondrement et de limiter la récession. Les banques sont redevenues rentables grâce à ce sauvetage d'une ampleur inégalée.

Oui mais comme les états ont creusé encore plus leur déficit en sauvant les banques (tout en choisissant de ne pas les nationaliser) et en relançant pour éviter la récession, ces dernières ainsi que les investisseurs institutionnels ont commencé à s'inquiéter de la capacité des états à honorer leur dette souveraine, eux qui quelques mois plus tôt ont sauvé ces mêmes banques!

Ainsi, les taux d'intérêt sur les dettes des états considérés comme les plus fragiles ont commencé à augmenter fortement (les institutions financières percevant un risque de ne pouvoir être remboursés). Conséquence : la Grèce, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, le Royaume-Uni et bien d'autres connaissent des difficultés à se financer à taux raisonnable, sans craindre des effets boules de neige.

Face au risque d'implosion de la zone euro, les états européens ont décidé la mise en place d'un fonds de stabilisation financière pour venir en oeuvre aux états surendettés, à la condition que ces états mettent en place des plans de rigueur, autre nom des plans d'ajustement structurels que les pays en développement ont expérimenté il y a 20 ans. Au programme : baisse des dépenses sociales, des salaires, des retraites etc...La seule avancée est que désormais la BCE puisse racheter, dans certaines situations graves, des dettes souveraines, ce qui revient à un financement monétaire indirect des déficits.

Quel peut être l'effet d'un tel remède de cheval? Approfondir la récession à coup sûr, et du coup réduire encore l'emploi et les recettes fiscales...et annuler l'effet "bénéfique" sur la réduction de la dette, voire carrément augmenter la dette (c'est tout à fait possible hélas, même si ça dépend de beaucoup de paramètres). Effectuer un plan de rigueur en période de vaches maigres est peu soutenable. En général, il vaut mieux faire les efforts de désendettement en période de croissance. Qui plus est, les pays ayant réussi à baisser leur endettement public ont pu le faire souvent grâce à une dépréciation de leur monnaie et par le fait que les pays autour étaient eux en croissance, ce qui permettait d'augmenter les exportations et de compenser la baisse de la demande interne. Les plans de rigueur dans la zone euro sont d'autant plus absurdes qu'ils sont effectués en même temps et en période de récession : donc on ne peut ni bénéficier des effets de relance des partenaires qui pourraient "compenser" la rigueur interne, ni des effets des taux de change qui pourraient s'ajuster et augmenter les exportations (les exportations des pays de la zone euro étant vers d'autres pays de la zone euro).  D'autant plus que lorsque les partenaires européens ont sauvé la Grèce, cela a été à la condition express qu'elle honore ses contrats d'armement avec la France et l'Allemagne, Allemagne qui dans le même temps demande à ce qu'on diminue les dépenses publiques...mais visiblement, pas n'importe lesquelles. Qui plus est, pourquoi s'inquiètent-on autant de la dette grecque? Essentiellement parce que cette dette est détenue par des banques allemandes, françaises et anglaises. Donc si la Grèce faisait défaut, des banques des partenaires en patiraient... Belle preuve de solidarité "négative". C'est pour cela que nombre d'économistes sont "atterrés", car les mesures prises ne peuvent en rien résoudre les crises, pire elles risquent de les aggraver.

 

Alors, que faire ?

 

Premièrement : assurer le financement monétaire des dettes souveraines par la BCE, notamment pour les états en difficulté. C'est absolument nécessaire pour maintenir des taux bas, et pour assurer la continuité du financement des pays en difficulté.

 

Deuxièmement : faire défaut et restructurer la dette. Certains s'inquiètent pour la raison précédente (risque de faillites bancaires). Sauf que certains états sont tellement endettés qu'on ne voit guère d'autre solution, et qui plus est, le système bancaire n'est pas exempt de responsabilité dans le creusement récent des déficits...Il paraîtrait normal d'en payer une partie du coup. Comme le montre Dominique Plihon, c'est une mesure rationnelle, nécessaire mais non suffisante link

 

Troisièmement : nationaliser une partie du système bancaire. Encore une fois, si les banques sont responsables (et elles le sont en grande partie, le cas Irlandais est exemplaire de ce point de vue, voir l'article de Benjamin Coriat link) on ne verrait pas pourquoi on se priverait, d'autant que cela nous faciliterait la tâche pour financer l'activité et orienter l'investissement. A dire vrai, on ne comprend pas pourquoi les états qui ont recapitalisé à des taux défiant toute concurrence les banques, ou en effectuant des nationalisations partielles, se sont empressés de le reprivatiser ou de ne pas en prendre le contrôle direct. A part pour des raisons idéologiques, on ne voit guère d'autre explication...

 

Quatrièmement : mettre en place une vraie coordination des politiques économiques et une vraie gouvernance de la zone euro et assurer une réduction concertée des déséquilibres commerciaux au sein de la zone euro.

 

Cinquièmement : augmenter la fiscalité sur les hauts revenus, mettre en place une taxe sur les transactions financières et les plus-values, pour combler les déficits et limiter la spéculation.

 

Sixièmement : certains préconisent la mise en place de titres de dette européenne. Selon certains cela permettrait un financement plus aisé des pays endettés. La chose n'est pas certaine, car les craintes des investisseurs pourraient ne pas être calmées...il faudrait surtout pour que cela soit plus sûr que la gouvernance de la zone euro soit améliorée, et que la solidarité au sein de la zone soit véritable.

 

Dernier point : il apparaît évident qu'il faut retrouver une croissance positive, condition nécessaire à la baisse du taux d'endettement. Ce ne sont donc pas des plans de rigueur qu'il faut, mais au contraire que les états les moins endettés relancent leur activité pour que les autres bénéficient de la croissance, de rentrées fiscales et d'une diminution des déséquilibres commerciaux.

 

Ces mesures sont nécessaires, mais il n'est pas du tout dit qu'elles seront suffisantes mais surtout, il est possible qu'elles ne soient pas appliquées. Ce qui explique la campagne des atterrés...

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D
<br /> Il n'y a aucun "mépris" de ma part mais une exaspération devant des personnes qui ne se rendent pas compte de leurs privilèges coûteux et qui, pour les conserver, accusent les autres. Plutôt que<br /> jours de congés, il s'agit de jours de repos. Ce qui choque n'est pas que les conducteurs aient ces jours de repos, mais que tous les agents de la RATP bénéficient de cet avantage. Et puis la<br /> journée de travail pour un conducteur ne dure pas 8h mais environ 4h.<br /> <br /> Vous parlez "d'avantages acquis", de "gens qui se sont battus".. mais battus contre qui, acquis au détriment de qui ? Ce langage habituel dans le secteur public n'a pas de sens. Vos "luttes" sont<br /> des grèves qui paralysent la région parisienne. Facile d'obtenir ce que l'on veut mais c'est du chantage et rien d'autre. Ces avantages sont acquis au détriment de la collectivité car ils sont<br /> financés par nos impôts. Ce n'est pas l'état qui est votre employeur mais les Français. Et vu l'état des finances du pays, ces grèves régulières pour avoir toujours plus sont une insulte pour ceux<br /> qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser les transports publics. Je n'oublierai jamais une grève dans les années 90 où vous avez transporté les gens à leur travail le matin pour fermer les<br /> grilles à 15h. C'est scandaleux. Je n'habitais qu'à une heure de marche de mon domicile mais je pensais à toutes les personnes bloquées loin de chez elles. Vous ne vivez pas ces réalités. Pas plus<br /> que vous ne vivez l'incertitude de l'emploi. Vos cadences de travail sont très inférieures à celles qui sont pratiquées dans d'autres pays européens ou dans d'autres professions comparables en<br /> France.<br /> <br /> Dans les années 90, une secrétaire intérimaire est venue travailler dans la société où je travaillais. Elle nous racontait avoir travaillé un an à la RATP pour remplacer deux secrétaires RATP qui<br /> ne voulaient rien faire. Voilà ce que permet la garantie de l'emploi avec des syndicats irresponsables. Vous comprenez bien que cela ne peut pas durer. Surtout que les dettes ne sont pas de<br /> l'investissement productif pour une bonne part mais le financement de déficits dus à la charge de salaires excessifs et surtout des retraites.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Ah oui et que dire de votre dernière phrase ? Vous vivez dans le monde des bisounours pour penser que l'Etat n'a pas subventionné les acteurs privés des chemins de fer britanniques et n'a pas<br /> continué à s'engager dans des financement à long terme ?<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Vous vous trompez sur bien des points, par méconnaissance surtout, et probablement à cause d'une opinion construite sur d'énormes préjugés !<br /> Mais quel mouche vous a piqué d'écrire que les salariés de cette entreprise avait 121 jours de congés annuels ??? Autant écrire que les jours de grève sont payés pendant que vous y êtes !!! Vous<br /> pouvez retirer une petite centaine de jours à votre affabulation pour vous trouvez près de la vérité...<br /> D'autre part je ne souhaite absolument pas rentrer dans le débat des acquis sociaux, mais n'oubliez jamais que ceux que vous méprisez tant monsieur, sont des êtres humains qui toute leur vie de<br /> vilains syndiqués gauchistes travaillent en services et repos décalés, soit 2 week-ends de disponibles sur 6 pour leur famille, et combien de noëls passés avec leurs enfants sur une carrière, 4,<br /> peut être 5 ?<br /> Mais que diriez-vous si pendant 25 ans vous aviez fait subir à votre corps ce rythme épuisant ?<br /> Vous ne devriez juste plus vous exprimer au sujet de choses que vous ne vivez pas monsieur. Respectez les gens qui se sont battus et qui continuent à se battre pour que l'économie que vous défendez<br /> ne fasse pas n'importe quoi avec nos vies !<br /> Enfin vous parlez de la dette de la RATP, et là encore c'est que vous n'avez pas compris l'essence même du billet que vous commentez, tout y est écrit alors je vous invite à le relire, notamment<br /> les lignes qui évoquent la notion d'investissement...<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Mais en quoi peut-on glorifier la RATP d'une "offre de transport exemplaire au regard de la densité du maillage" ? Ce maillage ne date pas de la RATP ! En 1949, l'essentiel des lignes était déjà<br /> construit. Quant à l'efficacité de la RATP, je me suis laissé dire, de mauvaises langues sans doute, que la ligne 14 avait coûté 2 fois plus cher qu'une ligne identique au Japon, dans des terrains<br /> très instables et avec le risque sismique à prendre en compte. Quant à la ligne T2...<br /> <br /> Vous écrivez qu'à la RATP, la "production n'a pas pour objectif "profits à tout prix"". Et si on y regardait de plus près ? Quand on sait que le départ en retraite se fait en moyenne à 53,5 ans<br /> avec 85% du salaire des 6 derniers mois, que tout le personnel a 4 mois de congés (121 jours), qu'il y a un 13ème mois (merci Raffarin), 3% de la masse salariale pour le comité d'entreprise (10<br /> fois ce qui se fait dans le privé)..., on comprend que la dette cumulée de la RATP soit de 35 milliards € malgré les 2 milliards annuels de subvention à la charge des contribuables. Comment<br /> qualifier un "service public" qui dépense 50% de charges de personnel de plus que ses recettes ? Aucune entreprise digne de ce nom ne pourrait survivre. C'est donc aux crochets des contribuables<br /> que la RATP s'offre tant de privilèges. C'est "profits à tout prix" pour son personnel qui profite du caractère stratégique des transports pour exercer un chantage sur la société. Si toutes les<br /> entreprises françaises étaient aux mains des mêmes brigands que la RATP, notre société s'appellerait l'URSS et le personnel de la RATP vivrait dans la misère. Assez de parasites qui ruinent le<br /> pays. Non les Français n'ont nulle raison d'être fiers de la RATP, objet de mépris des touristes étrangers (et des Parisiens !) qui connaissent la réputation de la RATP pour ses grèves qui se font<br /> au mépris de l'usager.<br /> <br /> Quant aux chemins de fer anglais, les sociétés privées qui les gèrent ont hérité des travaillistes d'un réseau en ruine. Et elles, ne bénéficient pas de la manne des impôts.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> @DESPIGNES :<br /> Vous semblez vouloir délibérement mélanger des choses qui ne sont pas nécessairement comparables. De plus il paraît évident que vous évoquez des secteurs que vous connaissez très mal. Prenons<br /> l'exemple de la RATP qui gère un des plus grands réseaux de transport urbain au monde, et qui si l'on omet l'aspect très médiocre de leur relation client (information, renseignement,<br /> disponibilité... Mais que dire des hotlines de FAI puisque vous citez Free) propose une offre de transport exemplaire au regard de la densité du maillage et compte-tenu des problématiques<br /> d'exploitation complexes, propres à chaque département bus/tram/métro/train. L'état majoritaire et les parisiens de manière générale peuvent, malgré l'évidente surpopulation de la capitale et la<br /> pénibilité qu'elle entraine sur leurs déplacements, être fière de cette société qui est un exemple de ce que l'on qualifie de "service public". Lorsque production n'a pas pour objectif "profits à<br /> tout prix", il subsiste alors des gens qui mettent tout en oeuvre pour transporter un maximum de citoyens dans les conditions les plus sécuritaires possibles, tout en restant parmi les sociétés de<br /> transport les moins cher au monde et les plus accessibles... Le savoir-faire de la RATP n'est plus à démontrer, la gestion en bon père de famille de son patrimoine infrastructure et parc de<br /> matériel roulant est à féliciter ! Vous verrez de vos yeux comment seront entretenus les trains qu’État et collectivités locales auront subventionnés aux entreprises privées désignéés pour<br /> exploiter les futurs réseaux... Et qu'il faudra complétement renouveler au bout de 10 ou 15 ans parce que tout le monde en aura rien eu à taper...<br /> Le cas des réseaux ferrés anglais est pourtant très parlant. Certains secteurs préservent la mince notion d'égalité qui subsiste dans nos sociétés modernes. Autant que je ne confierai pas demain le<br /> transport des parisiens à Eurocargo sous prétexte que ses résultats financiers soient meilleurs (entendez que ces bénéfices soient plus importants), je ne confierai pas non plus la BSPP à Veolia ou<br /> la police à Securitas...<br /> <br /> <br />
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